Je souris. Je parle. Je ris même, de temps en temps. Mais tout mon corps est ailleurs. Assise à cette table, entre deux verres, entre deux conversations, je me sens mise à nu, dans tous les sens du terme. La pièce est pleine, les amis bavardent, les assiettes circulent. Rien d’anormal en apparence.

Et pourtant, sous la table, je suis nue. Pas une culotte. Pas une barrière.

Son dos se tend sous sa chemise, son regard s’assombrit à chaque éclat de rire de Lila. Il jongle avec sa jalousie, mais il se raccroche à moi comme à une bouée. Mauvaise idée. Je suis le courant.

Elle rit doucement, moqueuse, puis se penche un peu plus près de moi. Sa main se pose sur ma cuisse, ses doigts dessinent des cercles distraits sur le tissu de mon pantalon.

— Tu sais que je suis pas un animal de vitrine, hein ? Si tu veux me regarder, faudra me toucher aussi.

Lila, elle, c’est un autre univers. Rien à voir avec Vic. Elle est douce, délicate. Avec elle, pas besoin d’entrer dans un bras de fer. Je la sens vibrer, réagir à la moindre de mes impulsions. Dans l’eau, quand j’ai serré son poignet avec force pour l’attirer contre moi, j’ai vu une lueur passer dans ses yeux. Une surprise mêlée de curiosité. Paul ne la touche pas comme ça, j’en suis certain.

C'est bien ma veine d'avoir tiré Antonin. Le mec le plus timide de la bande. Pas un sourire, pas un geste déplacé. Il s'est contenté de s’asseoir à côté de moi au bord de la piscine pendant que sa meuf est en train de fourrer sa langue dans la bouche de Paul. Tranquille, sans un frisson. J’essaie de deviner ce qu’il ressent, mais c’est mission impossible : son visage est impassible, comme figé. Il ne tourne même pas la tête, incapable de lâcher Talia des yeux.

Puis, un détail me saute aux yeux. Un détail qui n’en est pas un.

Lila et Léon, ça fait un sacré couple. Trop sacré à mon goût. J’aurais préféré qu’elle tire Antonin. Il est plus réservé, moins charismatique, moins… dominant. Face à lui, je n’aurais rien eu à prouver. Rien à craindre. Mais c’est le jeu. Le hasard devait décider, même si on avait tous nos préférences secrètes…

Trois couples d’amis décident de pimenter un week-end en lançant un jeu audacieux : tirer au sort un nouveau partenaire et jouer les couples pendant 24 heures. D’abord une après-midi, puis un dîner, et enfin… une nuit ensemble. Entre gêne, excitation et jalousie, chacun réagit différemment en voyant son partenaire avec un autre…

Charly échange un regard avec Théo, une nouvelle complicité silencieuse entre eux.

— Prends-la comme tu veux maintenant, murmure-t-il.

Je frémis.

Pendant que Théo fouille dans les poches de son manteau, je fixe la queue de Charly. Impossible de détourner les yeux. Il me lit sans difficulté.

— Qu’est-ce que tu attends pour la remettre dans ta bouche ? Regarde-toi… tu en meurs d’envie. Tu baves.

Je le provoque d’un sourire.

— J’attends que tu me le demandes.

— Suce-moi !

Son ton sans détour me fait frissonner. J’aime cette autorité brute, ce désir assumé.

Derrière moi, Théo est toujours accroché à mes hanches. Il m’embrasse le cou pendant que Charly s’empare de ma bouche. Mon corps fond sous leurs caresses, sous leurs baisers, et dans mon ventre, ça bouillonne, ça s’agite, ça réclame…

Le problème, quand tu sors avec ton plan cul, c’est que l’issue de la soirée est déjà écrite. Vous allez finir ensemble, c’est tacite. C’est même pour ça que je l’ai invité à me rejoindre. Mais ce que je n’avais pas prévu, en revanche, c’est qu’il viendrait accompagné. Et encore moins que son pote me ferait littéralement craquer.

Des pas se rapprochent et Victoire réagit immédiatement. Elle me prend par la main et m’entraîne rapidement derrière la porte de son bureau. Nous nous réfugions dans l’ombre, pressés l’un contre l’autre, nos respirations s’entremêlant dans le silence. Mon cœur bat fort, chaque pulsation accentuée par la peur et la proximité de Victoire. Trois coups légers résonnent contre la porte.

— Victoire ? appelle une voix masculine.

Mes yeux sont rivés sur le sablier. Avant de faire quoi que ce soit, j’ai besoin de jauger la durée. Une minute ? Cinq minutes ? Dix minutes ? Je vois les grains de sable tomber vite, très vite. Dans mon esprit c’est comme dans un immeuble sur lequel on aurait appuyé sur l’alarme incendie. Selon moi, j’ai quelques minutes, une ou deux. Cinq, tout au plus.

Je soulève délicatement le couvercle de la boite, je découvre un papier de soie, lui aussi blanc. Le bruit du papier qu’on déballe enchante mes oreilles, pendant que mes yeux surpris découvrent un objet inattendu.

Il y a une différence entre ne pas aimer et ne pas vouloir. Je peux parfois te punir en faisant des choses que tu n’aimes pas. Mais je ne ferais jamais quelque chose que tu ne veux pas. Donc tu me précises bien ce que tu ne veux pas faire, c’est compris ? […]